Les Echos, 25 mars 2022 – Par Adrien Lelièvre
« Bon Vivant, la start-up qui veut populariser les produits laitiers sans vache.
Cette biotech veut utiliser la fermentation de précision afin de fabriquer des protéines de lait. Elle entend ensuite les vendre aux groupes industriels, qui observent avec attention le marché des protéines alternatives et pourraient mettre sur le marché des nouveaux produits.
Lait d’amande, d’avoine, de riz ou à la noisette… Les alternatives au lait de vache se sont multipliées ces dernières années dans les rayons des supermarchés. Mais ces produits restent des niches, ils ont un goût différent du lait traditionnel et ne permettent pas toujours de réaliser des recettes issues du patrimoine gastronomique français.
La start-up Bon Vivant s’est ainsi lancé un défi : démocratiser les produits laitiers… sans vache. Le secret ? La fermentation de précision. « Le principe est d’utiliser des levures comme le font les industries du vin ou de la bière », explique Hélène Briand, une ingénieure agronome qui a cofondé cette biotech à la fin 2021 avec Stéphane Mac Millan.
« Bon Vivant programme ces levures pour qu’elles produisent des protéines de lait, puis les cultive dans un milieu de culture végétale afin qu’elles fermentent. Ensuite, nous filtrons ce milieu de culture afin de séparer la levure des protéines. Nous obtenons ainsi une protéine de lait pure, identique à 100 % à celles produites par la vache mais sans lactose, sans cholestérol, sans antibiotique et avec un impact environnemental bien moindre », insiste-t-elle.
Le modèle Perfect Day
Aux Etats-Unis, la start-up Perfect Day fait office de pionnier du secteur. Elle est valorisée 1,5 milliard de dollars après avoir réalisé un tour de table de 350 millions de dollars en septembre 2021. Une source d’inspiration pour Bon Vivant, qui veut prendre le leadership en Europe, où les acteurs du secteur sont peu nombreux mais commencent à attirer les investisseurs.
Les débuts de Bon Vivant sont prometteurs. « Nous avons fabriqué notre première protéine de lait », se réjouit Stéphane Mac Millan. La biotech espère vendre ses protéines à des groupes industriels, qui observent avec attention l’essor des protéines alternatives et pourraient vite mettre des nouveaux produits sur le marché.
« Nous avons des entreprises leaders dans l’agroalimentaire, comme Danone ou Yoplait, mais aussi de beaux acteurs dans la fermentation, à l’image de Lesaffre », rappelle Stéphane Mac Millan, qui assure avoir déjà eu des discussions avec la plupart des industriels du secteur. Il espère les convaincre de s’appuyer sur le savoir-faire de sa start-up plutôt que de développer ce type de technologie en interne.
Avantages environnementaux
Les défenseurs de la fermentation de précision louent ses avantages pour la planète. Cette technique pourrait en effet limiter l’élevage intensif, qui est l’une des principales sources de pollution (forte consommation d’eau et émissions de CO2), et réduire les souffrances animales.
Les protéines de lait de culture sont aussi porteuses d’espoirs en termes de souveraineté alimentaire. C’est l’une des raisons pour lesquelles Israël, dont la superficie est modeste et le climat peu favorable à l’élevage, est en pointe avec des acteurs comme Remilk et Imagindairy.
A la différence de l’agriculture cellulaire, la fermentation de précision s’inscrit dans un cadre réglementaire clair et ouvre des perspectives alléchantes puisqu’elle peut aussi être utilisée pour fabriquer des fromages, des glaces, du miel, des oeufs…
Coûts élevés
Mais les obstacles à lever restent nombreux. « Le goût et la texture sont hyper importants. Si on n’arrive pas à reproduire le goût, cela ne marchera pas », insiste le patron de Bon Vivant. Il y a aussi la question cruciale des coûts de production qui sont pour l’instant élevés, mais ont vocation à baisser si les volumes augmentent. « Nous sommes dans un secteur très capitalistique », concède Stéphane Mac Millan.
La jeune pousse lyonnaise, qui est à l’étape du laboratoire et aura besoin à terme de se doter d’un outil industriel, vient ainsi de réaliser une levée de fonds de 4 millions d’euros auprès d’Alliance for Impact, High Flyers Capital, Kima Ventures, Founders Future, Picus Capital et Notus Technologies. Mais elle pense déjà à sa série A qu’elle imagine à huit chiffres. Mieux vaut ne pas tarder car Perfect Day pourrait avoir la tentation de franchir l’Atlantique. »